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V
Pour sa quatrième édition (après avoir traité du miroir, du paysage, du rapport terre/ciel), la Biennale d’art contemporain d’Enghien vous invite à découvrir «Par enchantement». Une édition qui incite à la rêverie, aux mystères et à la joie. Les interventions des artistes ponctueront le parc maisaussi de nombreux espaces rarement (ou jamais) ouverts au public. Quinze artistes contemporains se joueront des codes du merveilleux, de l’étrange.
© Patricia Mathieu
Stefan Liberski — stefanliberski.com
Donc, les années avaient passé. Un jour, elles ont disparu. J’avais eu la grippe, la fièvre, j’étais mûr, convalescent, couché sur un canapé. J’ai allumé mon écran et la plateforme numérique qui proposait des Ghibli. J’ai regardé « Princesse Mononoké » et le monde, brusquement, s’est réenchanté.
Depuis lors, je sais mieux ce que c’est, j’ai rassemblé des mots. Je ne connaissais alors de Miyazaki que le nom et quelques photogrammes de ses dessins animés. Sans me l’avouer, je pensais que ça n’était pas pour moi. Ou plus pour moi. J’étais une grande personne depuis trop longtemps. Il y avait tant d’autres films qui m’attendaient. J’avais bien revu les Disney de l’enfance, avec mon fils, je les avais revécus à travers ses yeux, parprocuration, disons. Je savais l’engouement des mangas mais je n’y allais pas. Ce jour-là, le hasard et le chemin de la guérison, dans sa faiblesse si riche et délicieuse, m’ont rendu, avec une claque insolite, l’âme d’un enfant. Je n’avais plus tremblé ni pleuré comme ça depuis une vie, les frissons de l’effarement se mêlaient à ceux de l’analepsie. J’ai retrouvé ce que signifait la plongée dans une histoire, une fable dont on ne sait rien encore. Le merveilleux récit de Miyazaki s’écartait bien sûr des balises habituelles, il avait des digressions, des modes, une langue et des raccourcis venus d’ailleurs. C’était comme si, par cette autre voie, revenait l’ahurissement des origines. Au fond, l’enchantement en est toujours le souvenir. Sa nostalgie. Un retour, par des détours, à cet état précieux de l’âge tendre où l’on n’a pas conscience encore que le récit de pépé, assis au pied du lit pour nous endormir, est la légende d’un autre monde. Quel est cet effarement de l’enfant à qui l’on raconte une histoire? Quelle est cette mine stupéfaite? Enchanté sans le savoir, il semble sous le charme d’un philtre. Il se tient immobile, bouche bée, les yeux écarquillés. La forêt n’est plus celle où il s’est promené l’autre dimanche. Il entre dans l’être. Il éprouve l’être, cette vibration indicible entre le corps et les mots. Entre le paysage et ses images. Entre le bruit et la musique. C’est ce qui survient avec l’art, mis en sa présence. C’en est même la preuve. Voilà où je voulais en venir et ce que j’avais retrouvé ce jour-là. L’art est suspension de tout ce que l’on en sait, sans pour autant que le chemin jusqu’à lui soit annulé, au contraire. Plus on sait mieux on aime. «Plus de savoir, plus de saveurs». Mais quand il survient, il ne s’agit plus de ça. Il y a toujours cette secousse, parfois minuscule, ce moment suspendu. On revient à l’orée, avec une binette ébahie. Tout est déduit : les savoirs, les modes, l’Histoire, la mondanité et le narcissisme de mes goûts. Le rideau se lève. Et l’on est sûr qu’un jour tout sera beau. Comme ça. Comme par enchantement.
OUVERTURE
Tous les jours de 14h00 à 18h00
ADRESSE
Avenue Elisabeth
7850 Enghien
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— Parking
— Gare +/- 10 minutes à pied
Le parc est accessible aux personnes à mobilité réduite (une partie des bâtiments n'est pas accessible aux personnes à mobilité réduite).
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